Réforme de l’assurance chômage : Attention à la présomption de démission en cas d’abandon de poste
Le 17 novembre 2022, le parlement a définitivement adopté la loi « portant mesures d’urgence relative au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ».
Cette loi, dont l’objectif principal est de mettre en place une modulation des règles d’indemnisation en fonction de la conjoncture économique, comporte une mesure qui laisse déjà beaucoup de praticiens dubitatifs, à savoir la présomption de démission en cas d’abandon de poste.
Cette nouvelle disposition, dont la date d’entrée en vigueur sera précisée par décret, vient changer la qualification donnée à l’abandon de poste, et par là même ses conséquences vis-à-vis de l’assurance chômage.
De faute sanctionnée par un licenciement, ouvrant droit à indemnisation par l’assurance chômage, l’abandon de poste donnera désormais lieu à une présomption de démission qui, sauf à la renverser, ne permettra pas une prise en charge par pôle emploi.
La loi nouvelle prévoit ainsi que lorsque le salarié abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de revenir à son poste, par lettre recommandée ou courrier remis en main propre, dans un délai fixé par l’employeur, celui-ci sera présumé démissionnaire à l’expiration de ce délai.
Un décret va venir déterminer un délai minimum à respecter, à l’expiration duquel le salarié sera présumé avoir démissionné.
Le salarié pourra tenter de renverser cette présomption en contestant la qualification de démission par saisine du conseil de prud’hommes, qui devra statuer dans un délai d’un mois.
Si l’objectif de lutter contre d’éventuels abandons de poste abusifs, dans le seul but de bénéficier de l’assurance chômage, est louable, la mesure retenue pourrait être à l’origine de difficultés inexistantes jusqu’ici.
En effet, à l’heure actuelle, la gestion des abandons de poste ne donne lieu à aucune difficulté majeure et n’est surtout que très rarement source de conflit.
Les situations d’abandon de poste caractérisé sont sanctionnées, après mise en demeure, par des licenciements pour faute grave, simples et peu coûteux, qui sont à l’heure actuelle très peu contestés et, de manière générale, ne peuvent que difficilement l’être.
La nouvelle donne viendra au contraire ajouter des situations de conflit dans les relations de travail, en y apportant, en outre, son lot d’insécurité juridique :
D’abord, la démission n’étant que présumée, elle donnera lieu à contentieux et créera de l’insécurité juridique puisque comme toute présomption simple, celle-ci ne sera pas irréfragable.
Ensuite, le dispositif de démission présumée risque également d’ajouter des tensions sur le lieu de travail dans les situations où le salarié souhaite quitter son emploi, sans pour autant avoir réussi à trouver un accord pour une rupture conventionnelle, ni pouvoir passer outre une prise en charge par pôle emploi.
Certains pourraient alors être tentés de créer artificiellement des situations de conflit afin pousser l’employeur à prendre l’initiative de la rupture du contrat de travail.
Il est à craindre que de telles attitudes soient plus difficiles à gérer pour l’employeur que l’abandon de poste et soient source de nouveaux contentieux.
Le nouveau mécanisme risque également de donner lieu à des difficultés pratiques puisque l’objectif de voir les conseils de prud’hommes statuer dans un délai d’un mois n’est pas franchement réaliste.
La présomption de démission risque donc en réalité de placer salariés et employeurs dans des situations d’incertitude prolongée.